École d’été transnationale «Sécurisation des frontières»
29. – 31.05.2025 Studienhaus Wiesneck, Buchenbach près de Freiburg (Fribourg-en-Brisgau)
L’école d’été transnationale 2025 se consacre au thème «Sécurisation des frontières». Elle est organisée dans le cadre du projet EPICUR «The neo-securization of borders: implications for European values».
Les langues de travail de l’école d’été sont l’anglais, le français et l’allemand.
Le thème de cette année
Néo-sécurisation des frontières en Europe
Le concept de « (néo-)sécurisation des frontières » en Europe repose sur une reconfiguration des politiques frontalières dans un contexte où la sécurité, la gestion des flux migratoires, la préservation de l’identité nationale, ainsi que les enjeux géopolitiques se croisent de manière complexe. Il s’agit d’une évolution des dispositifs de contrôle, qui met l’accent sur la sécurisation accrue des espaces frontaliers dans un contexte d’incertitude et de pressions internationales. Cette (néo-)sécurisation des frontières est intimement liée à plusieurs dynamiques stratégiques qui influencent l’Europe contemporaine dans une idée plus lointaine d’une « Europe sans frontière ».
Quatre grands thèmes se dégagent de ce concept de (néo-)sécuritsation des frontières :
Sécurité, paix et conflits frontaliers en Europe
La notion de sécurité a toujours été au cœur des politiques frontalières européennes, mais elle a pris une nouvelle dimension au XXIe siècle. Les conflits en Ukraine, au Moyen-Orient et en Afrique ont réactivé la question des frontières comme des lignes de défense de la paix et de la stabilité. Les frontières de l’Union européenne, notamment celles de ses États membres voisins comme la Pologne, la Hongrie, ou la Bulgarie, sont devenues des points d’observation stratégique face aux tensions géopolitiques croissantes. La sécurité en Europe ne repose plus uniquement sur les dispositifs internes, mais également sur la protection des frontières externes contre des menaces militaires, terroristes, ou même des formes hybrides de guerre, comme celles qui se manifestent à travers des cyberattaques ou des campagnes de désinformation. Cette nouvelle configuration sécuritaire redéfinit les mécanismes de défense des frontières en Europe, nécessitant une approche de plus en plus militarisée et technologique des zones frontalières.
Migration, identité et frontières
L’élévation du phénomène migratoire dans le débat public européen renforce l’idée de « néo-sécurisation ». En effet, les flux migratoires en provenance de zones de guerre, de pauvreté ou de répression ont poussé l’Union européenne à repenser la gestion de ses frontières. La migration, perçue parfois comme une menace à l’identité culturelle européenne, a donné lieu à des politiques de plus en plus strictes visant à contrôler les mouvements des personnes. La frontière devient ainsi un lieu où se négocient les notions de citoyenneté, d’appartenance et d’identité. La gestion migratoire, notamment par des dispositifs comme Frontex, illustre cette logique de sécurisation, où les frontières ne sont plus seulement des lignes géographiques, mais des espaces de définition des valeurs européennes. Dans ce contexte, la question de l’accueil des réfugiés et des migrants se mêle à des préoccupations d’ordre sécuritaire, exacerbant la tension entre humanisme et protection des identités nationales.
Sécurité et frontières : quelles sécurisations pour quelles frontières ?
La question de savoir quelles frontières doivent être sécurisées de manière stricte est un aspect fondamental de la néo-sécurisation. Les frontières internes de l’espace Schengen, par exemple, ne sont plus forcément des lignes de division physique, mais ont évolué vers des contrôles numériques et technologiques (comme la surveillance par drones, les caméras de reconnaissance faciale, ou les bases de données biométriques). En revanche, les frontières externes de l’Union européenne, particulièrement dans la région méditerranéenne ou en Europe de l’Est, sont l’objet d’une sécurisation plus tangible avec des murs, des clôtures et une militarisation de plus en plus marquée. Cette distinction entre frontières internes et externes traduit une conception asymétrique de la sécurisation, où les dispositifs de surveillance et de contrôle sont déployés de manière plus intense aux points de passage vers l’Union. Par ailleurs, cette politique de sécurisation a parfois des répercussions sur la souveraineté nationale, qui se trouve partagée avec les institutions supranationales de l’UE, notamment sur la question des frontières maritimes
Murs, frontières et phénomène de « rebordering »
L’apparition et l’extension de « murs » ou de clôtures physiques aux frontières européennes (comme ceux entre la Hongrie et la Serbie ou la Grèce et la Turquie) symbolisent le phénomène de « rebordering » – une nouvelle tendance à la fermeture et à la matérialisation des frontières face à la mondialisation et à la mobilité transnationale. Ces murs sont perçus à la fois comme une réponse aux flux migratoires jugés « incontrôlables » et comme une tentative de protéger la stabilité politique et sociale interne. Ce phénomène de « rebordering » va au-delà de la simple sécurisation des frontières physiques : il représente également un retour à une vision plus étatique et nationaliste des frontières, qui reflète une logique de fermeture, de renforcement des frontières comme éléments de distinction nationale, mais aussi un processus de redéfinition des identités. Les murs, au-delà de leur aspect tangible, renforcent l’idée que les frontières ne sont plus seulement géographiques mais idéologiques, des lieux de différenciation entre « l’intérieur » et « l’extérieur », entre les citoyens et les étrangers
En conclusion, la néo-sécurisation des frontières en Europe s’inscrit dans un contexte où la sécurité, la gestion des flux migratoires, la préservation de l’identité et la géopolitique jouent des rôles essentiels. Ce phénomène, marqué par la multiplication de dispositifs de contrôle, de surveillance et la construction de murs, témoigne d’une Europe où la frontière, loin d’être un simple linéaire géographique, devient un espace de gestion, de protection et de définition de l’identité européenne. Cette évolution soulève des interrogations sur l’équilibre entre ouverture et protection, entre humanité et sécurité, et sur les implications à long terme pour l’unité de l’Europe elle-même
Programme
Jeudi, 29. Mai 2025 | |
09 h 30 | Mots de bienvenue Prof. Dr. Gisela Riescher, Universität Freiburg |
09 h 45 | Keynote discours: Geopolitical imagi-nations: the case of Greenland Prof. Dr. Jaume Castan Pinos and Signe Lyngholm Lindbjerg, University of Southern Denmark in Sønderborg |
10 h 45 | Pause |
11 h 00 | World Café Prof. Dr. Annegret Eppler and Chiara-Sophia Pricken, Hochschule für öffentliche Verwaltung Kehl |
12 h 30 | Déjeuner |
14 h 00 | Promenade/petite randonnée dans la forêt voisine |
15 h 30 | Pause-Café |
16 h 00 | Jeu de simulation sur la crise migratoire à la frontière entre la Pologne et le Belarus Adam Mickiewicz University Poznań |
18 h 00 | Dîner |
19 h 30 | Réunion des groupes de travail En parallèle: réunion des enseignants |
Vendredi, 30. Mai 2025 | |
08 h 30 | Petit déjeuner |
09 h 15 | Présentation des résultats des groupes de travail étudiants |
10 h 45 | Pause |
11 h 00 | Présentaton des résultats des groupes de travail étudiants |
12 h 30 | Déjeuner |
14 h 00 | Table ronde: Les forces policières et militaires transnationales et la sécurisation des frontières dans la région du Rhin supérieur |
15 h 30 | Pause-Café |
16 h 00 | Resumé Prof. Dr. Sylvain Schirmann |
17 h 00 | Feedback et évaluation |
18 h 00 | Dîner |
19 h 00 | Film |
Samedi, 31. Mai 2025 | |
8 h 30 | Petit déjeuner et ensuite départ |
Groupes de travail préparatoires
Les étudiants participants sont répartis en quatre groupes de travail trinationaux. En amont de l’École d’été, ils doivent traiter conjointement une question en lien avec le thème de l’École d’été, et préparer une présentation. Les groupes sont composés par les organisateurs après la phase de sélection des participants. Veuillez indiquer vos préférences sur le formulaire d’inscription.
Groupe de travail 1: Migration et sécurité aux frontières
(Encadrement: Dr. Barbara Jańczak, Prof. Dr. Tomasz Brańka and Prof. Dr. Jarosław Jańczak, Adam Mickiewicz Université, Poznań)
La politique migratoire aux frontières est souvent présentée comme une tentative pour trouver un équilibre entre les paradigmes de la sécurité humaine et de la sécurité nationale. La perspective de la sécurité humaine met l’accent sur la façon dont les mesures systémiques adoptées par l’État affectent le bien-être, les droits et la sécurité des individus migrant ou des futurs migrants, tandis que la perspective de la sécurité nationale donne la priorité à la souveraineté de l’État, au contrôle des frontières et à des intérêts nationaux plus larges dans l’élaboration des politiques.
Les récents développements le long des frontières extérieures – et par extension, intérieures – de l’Union européenne illustrent cette tension. Depuis 2021, la frontière entre la Pologne et la Biélorussie est au centre d’une longue crise migratoire. Des milliers de migrants, principalement originaires de pays africains et transportés à la frontière par le régime de Loukachenko, ont cherché à entrer dans l’Union européenne à la recherche de meilleures conditions de vie. Cette situation a placé les autorités polonaises dans une position complexe, les chargeant de défendre la sécurité nationale et européenne par une protection renforcée des frontières, tout en respectant les engagements juridiques internationaux tels que la Convention de Genève de 1951, qui protège les droits des demandeurs d’asile. La crise migratoire à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie a souvent été décrite dans le discours public comme un exemple de « l’utilisation de la migration comme une arme ». Ce terme fait référence à l’utilisation stratégique des mouvements migratoires par l’État (ou des acteurs non étatiques) pour exercer une pression politique, déstabiliser les pays voisins ou atteindre des objectifs géopolitiques plus larges. Ce faisant, la migration n’est plus simplement une question humanitaire ou sociopolitique, elle est devenue un outil calculé de guerre hybride, conçu pour créer des perturbations, générer des divisions internes au sein de l’UE, et tester la résilience de sa politique en matière de frontières et d’asile.
Cette crise a déclenché une réponse multidimensionnelle impliquant de nombreux acteurs étatiques et non étatiques, ainsi que la formulation de nouvelles politiques concernant à la fois la sécurité des frontières et la sécurité humaine. Cette dynamique est observable non seulement le long de la frontière entre l’UE et la Biélorussie, mais aussi le long des frontières intérieures telles que la frontière germano-polonaise. Les développements infrastructurels et le renforcement des contrôles aux frontières ont été accompagnés de réformes juridiques – illustrées par la proposition de révision du code des frontières de l’espace Schengen et l’ordonnance émise par le Conseil des ministres polonais en date du 27 mars 2025, qui restreint temporairement la possibilité de demander l’asile à la frontière avec la Biélorussie.
Le groupe de travail se penchera sur les questions suivantes:
- Quels sont les effets potentiels des réglementations de renforcement des frontières sur la sécurisation des frontières extérieures et intérieures de l’Union européenne?
- Comment, dans l’élaboration des politiques contemporaines, réconcilier les paradigmes de sécurité humaine et de sécurité nationale?
- De quelles manières la migration est-elle instrumentalisée voire utilisée comme une arme dans le contexte de la pression aux frontières et de leur sécurisation?
- Comment les États exploitent-ils stratégiquement la migration et les flux de réfugiés pour faire progresser la sécurité nationale ou les objectifs géopolitiques?
- Comment le discours politique et les récits dominants sur les frontières et la migration influencent ils le développement, l’interprétation et la mise en œuvre de réglementations juridiques concernant l’asile et les procédures d’asile?
Groupe de travail 2: Les frontières et la guerre
(Encadrement: Greg Zwickert and Sophie Candès, IEP Strasbourg)
Les frontières européennes ont été profondément façonnées par des conflits internes et interétatiques, révélant à la fois leur fragilité et leur capacité de résilience. De l’éclatement de la Yougoslavie à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en passant par divers contentieux territoriaux à travers l’histoire européenne, les frontières ont été redessinées, contestées, voire effacées. Les frontières extérieures de l’Union européenne sont elles aussi mises à l’épreuve par les dynamiques migratoires engendrées par des conflits hors UE. Bien plus que de simples lignes de séparation, les frontières sont des espaces dynamiques, parfois perméables, marqués par des processus de transformation et d’adaptation. Face aux crises et conflits, elles peuvent être réajustées aux nouvelles réalités géopolitiques et aux recompositions territoriales.
Ce groupe de travail s’intéressera aux mécanismes qui permettent aux frontières de résister aux chocs des conflits, interrogera les efforts déployés pour leur stabilisation, notamment le rôle des Etats et des institutions européennes.
Groupe de travail 3 : Murs, données et surveillance – réflexions de théorie politique sur l’infrastructure des frontières
(Encadrement : PD Dr. Martin Baesler und Dr. Angela Geck, Universität Freiburg)
Dans son livre Borders as Infrastructure – The Technopolitics of Border Control, le philosophe néerlandais Huub Dijstelbloem (2021) examine comment l’infrastructure, la technologie et les acteurs humains interagissent pour façonner les frontières extérieures de l’Europe. S’appuyant sur les théories du sociologue français Bruno Latour et du philosophe allemand Peter Sloterdijk, qui traitent des dimensions matérielles et spatiales de la politique, il développe un concept de frontières en tant qu’infrastructures complexes et mobiles façonnées par la politique, qui à leur tour façonnent également la politique. En examinant l’architecture et les procédures de l’aéroport international de Schiphol à Amsterdam ainsi que l’organisation des systèmes de surveillance dans la Méditerranée et les centres d’accueil pour migrant-e-s sur les îles grecques de Lesbos et Chios, il analyse comment les infrastructures frontalières organisent la mobilité de différentes catégories de personnes, constituent des compromis entre la sécurisation et l’humanitarisme et façonnent le projet européen.
Le groupe de travail lira et discutera le livre de Dijstelbloem dans le contexte de la théorie de la sécurisation. Ensemble, nous développerons une réponse aux questions suivantes : Dans quelle mesure et à quels égards les infrastructures matérielles et technologiques des frontières extérieures de l’Europe contribuent-elles à la (néo)sécurisation de la mobilité humaine ? Comment cette sécurisation interagit-elle avec les approches humanitaires de la politique migratoire et leurs manifestations dans les infrastructures frontalières? Qu’est-ce que cela signifie pour l’Union Européenne en tant que projet politique?
Groupe de travail 4 : Quelle sécurité pour quelles frontières?
(Encadrement: Prof. Dr. Annegret Eppler und Lara Wörner, Hochschule für öffentliche Verwaltung Kehl)
Les frontières des États sont de natures très différentes. Certaines suivent la géographie physique, les fleuves, les montagnes ou les mers. D’autres ont été tracées artificiellement sur une planche à dessin. Leur franchissement varie en conséquence : il est parfois facile, parfois difficile. De nombreuses zones frontalières ont été marquées par des conflits armés au cours de l’histoire, ce qui a entraîné des déplacements de frontières, tantôt uniques, tantôt multiples, dans différentes directions. Les impulsions venaient soit des États voisins, soit de puissances extérieures aux visées hégémoniques. Dans d’autres zones frontalières, la paix règne durablement. Les frontières peuvent présenter des caractéristiques différentes : entre grands et petits États, entre deux ou plusieurs voisins, ou autour d’enclaves. Certaines sont des frontières linguistiques ou culturelles, d’autres traversent des régions qui forment un espace culturel commun avec des dialectes propres. Les systèmes économiques et politiques de part et d’autre d’une frontière peuvent être similaires ou complètement différents – une frontière peut même être une ligne de démarcation entre démocratie et autocratie. L’Union européenne, une entité supranationale, a elle aussi des frontières extérieures.
Ces « modèles » de frontières, avec leurs caractéristiques structurelles, influencent le comportement des personnes à la frontière, à quelle fréquence, dans quel but et dans quelles conditions elles la traversent. Ils ont également une incidence sur l’opinion que les gens ont de la frontière, sur le fait qu’une frontière soit plutôt considérée comme garantie de sécurité ou lieu de rapprochement. Ils déterminent également dans quelle mesure des institutions et des procédures transfrontalières peuvent émerger.
Les participants au groupe de travail se poseront donc les questions suivantes : existe-t-il des schémas récurrents, voire des liens de cause à effet entre le type de frontière et sa dimension politique et sécuritaire ? Enfin: quel type de sécurité est adapté à quel type de frontière ?
Aspects organisationnels et candidature
ECTS :
La participation à l’École d’été ainsi qu’à l’un des groupes de travail préparatoires donne droit à 2 crédits ECTS.
Frais :
La participation à l’école d’été est gratuite. Le logement et les repas á la Studienhaus Wiesneck sont fournis.
Se rendre sur place :
L’École d’été se déroule à la Studienhaus Wiesneck à Buchenbach, près de Freiburg (Fribourg-en-Brisgau). Accès en train jusqu’à la gare de Himmelreich, puis 15 minutes à pied.
L’organisation du voyage est à la charge des participants. Les étudiants de Strasbourg peuvent déposer auprès de leur université d’origine une demande de subvention des frais de voyage entre leur lieu d’études et celui de l’École d’été, dans le cadre de l’aide à la mobilité EUCOR.
Candidature :
Chacune des universités participantes sélectionne un certain nombre de ses étudiants pour participer à l’école d’été. Si vous souhaitez participer, veuillez contacter le responsable de votre université:
Albert-Ludwigs-Universität Freiburg: Dr. Angela Geck
Institut d’Études Politiques Strasbourg: Dr. habil Christine Aquatias
Hochschule für öffentliche Verwaltung Kehl: Dr. Ann-Marie Riesner
Adam Mickiewicz University Poznań: Dr. Barbara Jańczak
University of Southern Denmark Sønderborg: Prof. Dr. Jaume Castan Pinos
Nos partenaires 2025
L’École d’été 2025 est proposée et organisée par le Seminar für wissenschaftliche Politik de Albert-Ludwigs-Universität Freiburg en coopértation avec l’Institut d’Études Politiques (IEP) de Strasbourg, la Hochschule für öffentliche Verwaltung Kehl, l’Institut de Sciences Politiques et d’Administration Publique de l’Université du Danemark du Sud à Sønderborg et la Faculté de Sciences Politiques et de Journalisme de l’Université Adam Mickiewicz de Poznań.
Il s’agit d’une manifestation organisée dans le cadre du projet EPICUR «The neo-securization of borders: implications for European values» et est soutenu par les fonds EPICUR de l’Universität Freiburg. De plus, elle fait partie de la coopération Eucor.






